ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND

Réalisateur : Michel Gondry
Acteurs : Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Mark Ruffalo, Elijah Wood
Sortie : 06 Octobre 2004


Trois ans après leur collaboration sur Human Nature, le clippeur préféré de Bjork Michel Gondry, retrouve le scénariste exceptionnel de Dans la peau de John Malkovich et de Confessions d'un Homme Dangereux Charlie Kaufman, pour une oeuvre originale et poétique.

Un homme malheureux en amour apprend que sa compagne l'a effacé de sa mémoire. Par désespoir, il décide de recourir au même procédé pour tourner la page. Mais au cours de l'intervention, il prend conscience de son erreur et lutte pour garder ses souvenirs.





Mieux vaut être malheureux en amour plutôt que de ne l'avoir jamais connu. Voici qui pourrait résumer l'état d'esprit de Joel (impeccable Jim Carrey), se battant contre son cerveau pour ne pas oublier celle qu'il a aimé.
Sur une base de science fiction, Michel Gondry nous livre en fait une comédie dramatique sur le destin, les sentiments et les relations humaines. Oubliés, donc, les effets de flash-back affriolants, les machines à remonter le temps.. Ce qui n'empêche pas une recherche stylistique très élaborée : caméra à l'épaule, plans soignés, les visages et les décors qui s'effacent, le monde qui s'écroule autour du héros... Cependant, les ficelles de la réalisation restent entièrement au service de l'histoire et du développement des personnages, laissant la place à l'émotion et à la nostalgie. Nostalgie d'un amour autrefois explosif, de l'enfance passée (les souvenirs d'enfance de Joel sont un vrai moment de bonheur dans le film). Mais les souvenirs sont souvent douloureux, et les choses les plus enfouies refont surface. Les chagrins, les humiliations, les craintes du héros nous sont présentés sans retenue, on plonge dans sa vie au plus profond. En cela, Joel s'offre une analyse en même temps qu'il retrace son parcours amoureux. Mais plus les mauvais souvenirs disparaissent, plus ils laissent la place au bonheur d'autrefois, à ce qui fut les plus belles joies du couple. Ainsi Joel réapprend à aimer Clémentine, il en retombe amoureux. Et c'est ce retour en arrière et cette compréhension tardive qui le mèneront à lutter pour ne pas oublier, et aller encore plus loin dans ses souvenirs, là ou personne ne pourra aller le chercher.
Comment contrôler son destin ? Pouvons nous lutter ou le forcer ? Sommes nous destinés à ne rencontrer qu'un amour unique ? Autant de questions qui viennent se rajouter aux différentes lectures possibles de ce film.
Jim Carrey offre un contre emploi fascinant dans le rôle de Joel, personnage très discret et renfermé, à mille lieux de ses interprétations habituelles. Autant pour Kate Winslet, électron libre de l'histoire. Le réalisateur a parfaitement su canaliser ces acteurs dans des registres à l'opposé des attentes, pour mieux nous faire profiter de son histoire. Avis donc aux fans des grimaces du Mask, passez votre chemin, Jim Carrey montre enfin, après un Truman Show convaincant et un Andy Kauffman incroyable ( dans Man On The Moon de Milos Forman), l'étendu de son talent dramatique. Les seconds rôles sont de premier choix (Kristen Dunst, Mark Ruffalo), et permettent d'apporter encore plus de profondeur à l'histoire, mais aussi la dose d'humour nécessaire pour ne pas s'ennuyer (le personnage d'Elijah Wood est assez gratiné).
Il est cependant facile de se perdre autant que le héros dans les méandre de son cerveau. En effet, il faut un petit moment pour bien comprendre la mécanique du film, le montage n'étant pas très clair dans la première partie. Aucun repère n'est donné au spectateur pour reconnaître le passé du présent, ce qui nous fait perdre pied un bon moment. Toutefois, il est compréhensible que ce parachutage dans le cerveau de Joel et ce temps d'adaptation soient parfaitement voulus par Gondry. Mais la balance est vite rétablie et on retombe parfaitement sur ses pieds, le talent du scénariste et du réalisateur s'occupe du reste. Ils savent parfaitement où ils nous emmènent, tant pis si la barque est chahutée par moments.
Kaufman nous avait déjà habitué à ces univers parallèles mais encrés dans une certaine réalité avec Dans la peau de John Malkovich, où un passage secret menait directement dans le cerveau de l'acteur. Dès lors se posait déjà la question d'une certaine forme de manipulation. Là, il s'agit de la mémoire des gens, ce qui fait de nous ce que nous devenons (car c'est la somme de nos expériences passées nous construit). Si on oublie notre vie, qui sommes nous alors ? On retiendra de ce film des images simples, sans effets de mode, hors du temps. Des plans efficaces, libres, un rythme très maîtrisé. La musique, très discrète, ne viendra pas alourdir le propos. Un très bon film en définitive qui a marqué lors de son passage à Deauville cette année. On risque d'en entendre parler un bon moment, bien que le grand public risque d'avoir du mal à s'y retrouver, la simplicité n'étant pas le maître mot du duo Gondry-Kauffman.

POUR
Des acteurs impeccables ( mention spéciale pour Jim Carrey, étonnant)
Une idée originale très bien exploitée
Un scénario bancale en apparence mais qui fonctionne grâce aux talents joints de toute l'équipe


CONTRE
Pas facile de s'y retrouver au début (sentiment visiblement voulu par le réalisateur)


AUTEUR : MATT

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