LOCATAIRES

Réalisateur : Kim Ki-duk
Acteurs : Lee Seung-yeon, Jae Hee
Sortie : 13 Avril 2005


Tae-suk arpente les rues à moto. Il laisse des prospectus sur les poignées de porte des maisons. Quand il revient quelques jours après, il sait ainsi lesquelles sont désertées. Il y pénètre alors et occupe ces lieux inhabités, sans jamais rien y voler. Il va même jusqu’à laver le linge et réparer les objets cassés qui l’entourent. Un jour, il s’installe dans une maison aisée où habite Sun-houa, une femme maltraitée par son mari. Dès qu’il découvre sa présence, il quitte les lieux. Pourtant, ne pouvant l’oublier, il revient sur ses pas pour l’emmener avec lui. Dès lors, d’appartements en villas, de demeures en maisons, le couple partage en silence la solitude qui les unit. Alors que tout le monde cherche à les séparer, un étrange lien aussi puissant qu’invisible semble les confondre.






Kim Ki-Duk est un cinéaste à part dans la production asiatique voire mondiale. Le réalisateur coréen a le don de signer à un rythme soutenu des films originaux, soignés et très convaincants. Après "Printemps, été, automne, hiver puis Printemps", "L'île", "Adresse inconnue", autant de succès critique auxquels il manquait la reconnaissance publique dans les salles françaises. Je gage que "Locataires" peut être une belle carte de visite pour le réalisateur Coréen en France.

Locataires surfe sur un concept aussi simple qu'original. Aucun des deux interprètes principaux ne va prononcer un mot pendant tout le film, le réalisateur s'engage donc à sublimer l'absence de dialogues par sa simple réalisation et par le jeu de ses acteurs. Autant être franc de suite, le résultat dépasse toutes les espérances. Le film possède une force émotionnelle absolument terrifiante. Grâce aux traits de son personnage principal, incarné parfaitement par Lee Seung-yeon, à la douceur et à l'originalité de son propos, Kim Ki-Duk signe un film poétique et touchant. Le personnage de Tae-suk mène une vie errante, d'appartements en appartements, ne laissant pas de traces visibles de son occupation, il n'existe pas réellement, il n'a pas d'existence administrative au sens propre du terme, et sa jeune amie choisit, en le suivant, d'abandonner toute vie matérielle. C’est cette indifférence animale à notre société consommatrice qui fascine, cette volonté de retrouver les vrais valeurs des gestes simples (Tae-Suk nettoie son linge à la main), de profiter de chaque instant et de finalement devenir invisible au commun des mortels.
Le propos est si bien amené par Kim Ki-Duk que le film ne perd pas une seconde de rythme et que la narration (sans dialogue je le répète) est d’une limpidité et d’une fluidité déconcertante. L’idylle qui se créée entre les deux protagonistes principaux prend une dimension romantique magistrale vers un final non moins parfait.
Techniquement, la mise en image est peut être en deça de ce que le réalisateur nous avait habitué. Diplômé des beaux arts de Paris, Kim Ki-Duk travaille habituellement l’image à un point parfois presque caricatural (Printemps été automne…), la bobine présentée de Locataires, si elle est toujours esthétique, démontre une volonté de revenir à un ton plus réaliste, plus froid et plus réel, comme pour accentuer ce dénuement d’artifices que son personnage principal revendique.
Locataires est un film magistral, obligatoire, incontournable. Un film touchant qui pourra déplaire au public n’ayant pas apprécier la poésie et la légèreté du propos d’un Amélie Poulain par exemple.


AUTEUR : NANO