L'hallucinante descente aux enfers d'un réalisateur considéré comme le parfait descendant d'Ed Wood. Uwe Boll (House of the dead) signe Alone in the dark. Le film est classé dès sa sortie aux US (janvier 2005) comme l'un des pires films de l'histoire. Auteur du script originel, Blair Erickson s'explique.


Il y a quelques années, j’ai quitté l’industrie du jeu vidéo pour travailler sur le premier jet du scénario du nouveau film d’Uwe Boll : Alone in the Dark. Nous avions acheté les droits pour cette licence à Infogrames et avons de suite écrit les quelques idées que nous avions pour le film. Pendant qu’Uwe Boll était en post-production sur le très apprécié House of the dead, ce dernier nous demanda d’écrire le script complet du film Alone in the Dark. Jusque là, nous n’avions encore vu aucun de ses films, mais nous commencions à entendre dire que l’adaptation d’House of the Dead était un véritable fiasco. Je n’ai découvert que bien plus tard l’un des navets les plus incroyables de ce début de siècle.

Dès qu’il fut question de devenir réellement les scénaristes de son prochain film, nous avons décidé de regarder quelques films du réalisateur. Nous sommes alors tombé sur la bande annonce de Sanctimony et immédiatement on s’est senti un peu nerveux. Est-ce qu’il avait juste recopié entièrement le pitch et les dialogues de Seven en le compactant dans une sorte de chose inepte, bourrée de clichés et absolument confuse ? Est-ce que ce gars était vraiment réél ? Qui avait pu lui donner assez d’argent pour faire cette chose ? Sans oublier ce déballage de « stars » comme Casper Van Dien (Starship troopers), Eric Roberts et Clint Howard…

Nous avons toutefois écrit un premier essai de scénario que nous lui avons envoyé. Lui et sa bande de « trolls » semblait apprécier notre travail et nous ont demandé de finir l’écriture. Seulement après un accord écrit, Uwe a finalement daigné nous envoyer quelques VHS de ses fabuleux long métrages. Il était absolument impatient de nous impressionner par son travail talentueux, aucun doute là dessus. Mais si, par mégarde, vous êtes une fois tombé sur l’un d’entre eux, je suis sur que vous me croirez quand je vous dis que j’ai alors pu admirer quelques un des films les plus nuls et incompétents connus par l’homme. (J’avais pourtant déjà vu Feeders).

En premier lieu, nous avons enduré Blackwoods, un thriller psychologique incompréhensible sur des campagnards diaboliques décidés à trucider un malheureux junkie coupable de meurtre lors d’un accident de la route. Il y avait un autre acteur de Starship Troopers dans les rôles principaux, je pense qu’Uwe lorgne secrètement sur la carrière de Paul Verhoven, ce qui est vraiment triste en y réfléchissant.


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Un peu plus tard, Boll a voulu prouver qu’il n’était pas seulement capable de copier d’autres films, mais qu’il savait aussi s’inspiré de la vie réelle. Il tourne une variation sur le drame de l’école de Columbine dans un film appelé Homeroom : Heart of America. Une critique assez sarcastique disait de ce film : « C’est absolument le meilleur film qu’Uwe Boll ait tourné » et un autre « imaginez la tragédie de Columbine transcrite sous forme de Comic-book ». Malheureusement, ce film magnifique n’a pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis.

Puis vint House of the dead, le film qui a définitivement mis terme au débat "Boll est-il un réalisateur culte de la trempe de Scorcese ou Kurosawa". C’est véritablement un film qui terrorise le spectateur par sa nullité ; jusque là nous avions encore cru que ses films précédents étaient autant d’erreurs terribles arrivés là à cause d’un accident cosmique. Dans le making of disponible sur la VHS,Uwe décrivait son film de zombie comme un « action-tour-de-force » et le comparait à « un film violent et grave comme le Soldat Ryan ». Vous avez sûrement remarqué que ce film ne comporte aucune « House » comme le titre le laissait supposer, mais plutôt une île avec de vieilles mines. Apparemment, c’est simplement parce qu’Uwe a eu ces deux endroits pour un prix dérisoire… et il décida que s’y passerait la totalité des intrigues de ses films. Pendant le visionnage, nous n’en revenions pas.. on a longtemps cru à un piège avec caméra cachée. Nous avions entendu le synopsis : « une rave…. Sur une île… avec des zombies…. Des zombies terribles !!! », mais nous n’avions jamais cru cela possible.

Dès lors, nous savions que nous étions dans une situation terrible, et que nous avions écrit un script que très certainement le réalisateur n’allait pas comprendre. Il nous demanda pourquoi le personnage, dans le script d’ Alone in the dark, Edward Carnby, n’avait pas de pouvoir spéciaux pour combattre les monstres. Nous lui avons donc expliqué que l’histoire tournait plutôt sur le suspense et que le détective devait être crédible, comme dans le jeu. Il nous répondit qu’il voulait des personnages plus incroyables, plutot dans le ton de film comme Blade ou The Crow. Voici quelques citations de mails que nous avons échangés avec le grand génie du cinéma Uwe Boll lui même courant 2002 :

Edward n’est pas mystérieux et fais son boulot comme tous les jours – ce qui tue tout l’héroisme – toute la réputation acquise pendant le jeu vidéo va être détruite par ce film. Non, Edward doit être mystérieux comme dans The Crow et Blade, il doit avoir des pouvoirs spéciaux et pleins d’armes !!
Edward Carnby n’a pas besoin de tant de dialogues, il doit être un superhero, et il ne peut pas être aussi normal !!!
Vous n’avez pas d’expérience dans le domaine du long métrage et après mon échec sur House of the dead il me faut un script excellent. Votre premier script était mauvais. Moi, je veux que ce soit effrayant, intelligent, frénétique et surprenant à la fin.


Il voulait que nous rajoutions de gros gunfights et des poursuites en voitures à tout va : vous savez, toutes ces choses qui rendent un film d’horreur effrayant, et surtout qui instaurent le suspense. A l’evidence, Uwe Boll ne savait absolument pas de quoi il parlait. Un gros point de controverse fut les monstres ; il voulait des tonnes de gros monstres baveux ayant l’air de chiens numériques pendant toute l’histoire, alors que nous ne cessions de répéter qu’il était plus effrayant de les laisser dans les ténèbres (un peu comme dans le titre quoi…) et de construire l’ambiance et le suspense autour. Nous avons essayé d’utiliser l’exemple d’un film récent Signes pour lui expliquer cela, mais rien n’allait. Boll nous a même sorti l’un des arguments les plus minables de l’histoire :

Nous devons en savoir un peu plus sur tout ça. Regardez dans Signes, les spectateurs savent que les aliens veulent détruire la Terre. Du coup, les spectateurs sont effrayés. Un peu comme avec Oussama Ben Laden : nous ne savons pas grand chose mais nous sommes effrayés à cause du 11 septembre ! Alors sans aucune informations sur les aliens, on ne sent rien. Imaginez qu’aucun alien ne serait apparu à la fin de Signes. C’aurait été un désastre complet. Personne n’aurait aimé !

Que vous ayez aimé Signes ou non, personne ne pourrait prétendre que l’affreuse scène de l’alien à la fin du film était le moment fort de l’histoire ! Finalement, nous avons coupé cours notre contrat avec Boll à partir d’une autre mésentente sur la fin de l’histoire. Nous pensions qu’une bonne histoire d’horreur devait laisser le spectateur avec un arrière goût d’incertitude effrayante pour sa conclusion. Uwe voulait laisser les gens avec des images de gunfights excessifs et des monstres encore plus gros et plus laids que ceux vu précédemment.

Toutefois, Boll a continué quelques temps a nous envoyé des mails tous plus incroyables les uns que les autres :

Je suis d’accord sur le fait qu’il faille mettre la pression à la fin du film. Edward va trouver à la fin quelque chose d’époustouflant, de plus en plus de créatures qui l’attaqueront. Nous voulons faire un film inhabituel et bon, alors s’il vous plait, n’oubliez pas vos classiques, et reprenez des cours d’écriture.

A partir de là, il était clair que nous n’avions pas écrit une histoire que le réalisateur pouvait comprendre. Alors le bon Doctor Boll a continué à nous donner la leçon et nous a soumis sa propre vision des classiques du cinéma d’horreur..

Votre histoire est plus un drame, un truc ou les gens perdent leurs temps. Dans une adaptation de jeu vidéo, ce qui est important, c’est que le héros ait un but que les spectateurs arrivent à comprendre (NDLR : ce qui implique que tous les spectateurs de ce genre de films sont de parfaits imbéciles !).

De là, il n’y avait donc plus qu’une manière de réajuster le scénario :

Il faut impérativement que le nombre de personnes tuées par les monstres soit de plus en plus important, de cette manière Edward aura l’impression de perdre complètement le contrôle. Pour se faire, Edward va aller sur une île pour stopper les monstres. Je suis très fâché car je n’aurais jamais cru que vous n’auriez pas su appliquer des choses si basiques et essentielles à votre histoire…

Oh non ! Notre script a fâché Uwe Boll ! Je dois dire qu’être corrigé par Doctor Uwe Boll est une expérience que je n’oublierais pas de ci tôt. A ma décharge, je n’aurais pas du tout pensé qu’un film de suspense devait impérativement contenir une scène majeur sur un île. Désolé de cet oubli en violation avec les choses basiques et essentielles. Nous réalisions à quel point Uwe Boll était un incompétent et quel don il avait pour ruiner tous les projets qu’il touchait. Finalement, nous avons refusé de lui donner les droits finaux sur notre script.


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Pour ceux que ca interesse, le script original d’Alone in the dark raconte l’enquète d’Edward Carnby, détective du nord des Etats-unis, sur des cas de disparitions mystérieuses couvrant de sombres histoires paranormales. L’histoire est racontée à travers les yeux d’un ecrivain qui suit le détective. Nous avons toujours essayé de coller au plus proche du style visuel de H.P Lovecraft et de l’aspect ancien du jeu original. Heureusement, Uwe Boll a réussi à pondre un script bien meilleur que notre histoire ennuyeuse, en y ajoutant un nombre incalculable de monstres, de bimbos archéologues, de scènes de sexe, d’aliens visqueux et de force de l’armée spéciale pour abattre les monstres visqueux. Vous aurez le plaisir de retrouver des ralentis à la Matrix dans des gunfights terribles, et des poursuites de voitures bien sur. Heureusement, Uwe Boll sait ce qui fait définitivement peur au cinéma.

Ce qu’il y a d’assez marrant, c’est que lors du tournage, Uwe nous a recontacté pour savoir s’il pouvait utiliser quelques scènes de notre script…. Gratuitement…. ! Oh, Uwe.

Maintenant le futur est étincellant pour le Doctor Boll. Alone in the Dark est arrivé 14ème du box office, a remporté 2,5 millions de $ pendant son week-end d’ouverture, et il a plein de nouveaux projets de films importants. Il finit actuellement le tournage de Bloodrayne, et travaille sur Hunter : the Reckoning et Far Cry pour l’année prochaine. Pour ma part, je voudrais juste m’excuser pour tous les créateurs de jeux vidéo du monde pour n’avoir su aider cet homme. Pour ma défense, je pourrais dire que je suis débutant, je ne savais pas réellement qui était Uwe Boll… et finalement, on a tenté de sauvegarder intact notre script des mains de ce réalisateur fou. Il y a un coté positif à tout ça : Tous les auteurs de navets peuvent dorénavant se promener à la lumière du jour, le sourire aux lèvres et en chantonnant doucement « Je n’ai pas fait Alone in the dark ».

Auteur du dossier : BLAIR ERICKSON
Traduction : NANO


Le site officiel du film

Il peut exister des différences entre version fançaise et version anglaise. Je conseille donc aux anglophones de consulter le texte original de Blair Erickson. D'avance, je suis désolé pour les erreurs de traduction.