Pionnier de l'infographie française, François Rimasson a grandi, vécu et évolué avec la naissance de l'art numérique sur notre territoire. Héritier de l'âge d'or du jeu vidéo que les plus nostalgiques de nos lecteurs auront certainement connu, François travaille dorénavant pour les grands noms du cinéma de genre francophone, notemment Immortel Ad Vitam d'Enki Bilal.


- Bonjour François, premièrement, peux tu présenter à nos lecteurs ? Quel a été ton parcours jusqu'aujourd'hui ?

Je travaille comme infographiste depuis une douzaine d'années. J'ai commencé comme freelance dans les jeux vidéo, à une époque ou la technologie en était à un stade beaucoup moins avancé qu'aujourd'hui. En comparaison, une Game Boy Advance est nettement plus développée aujourd'hui. Puis, vers 1994/1995 j'ai découvert la 3d, et tout ce qu'elle pouvait offrir: la possibilité de pouvoir créer un univers beaucoup plus riche et prenant, qui se rapprochait de ce que pouvait offrir un film. J'ai naturellement évolué vers le cinéma, motivé par la place grandissante que prenaient les films en image de synthèse et les effets spéciaux dans les films. Je me suis petit à petit spécialisé dans la création de personnages de synthèse, attiré par l'anatomie et le corps humain. Le tournant pour moi a été ma participation à Immortel, en 2001, qui a été la permière grosse production que j'ai intégré.
Depuis, je travaille en alternance sur des films, et d'autres productions plus modestes, mais néanmoins intéressantes comme des jeux vidéo ou des pubs.

- Tu as démarré sur des projets de jeux vidéos devenus mythiques (BAT 2, Crazy cars III, Agony, Dark Earth), lors de l'âge d'or de la créativité vidéoludique. Cette période était-elle propice pour le démarrage d'un jeune infographiste ? L'industrie française du jeu vidéo vit une crise sans précédent, penses tu que la pente est dorénavant insurmontable face aux dinosaures américains et japonais ?

Je pense que cette période, qui s'est terminée vers 2001 environ, a sans doute vu surgir de nombreux talents, et m'a fourni des bases relativement intéressantes pour démarrer, mais je ne pense pas qu'il s'agisse de la période la plus intéressante pour un infographiste.
Aujourd'hui, avec l'explosion des technologies, et surtout la démocratisation, l'accessibilité de la 3d, et de l'infographie en général, la crétion de nombreuses écoles, beaucoup de personnes talentueuses ou ayant un potentiel peuvent se former. Cette démocratisation est malheureusement contrebalancée par un marché du travail qui est assez sombre depuis 2001, malheureusement. Ce qui fait que beaucoup peinent à trouver un travail.
Lorsque l'industrie du jeu vidéo à sombré, je l'avais quitté depuis déja quelques temps, je n'ai donc qu'une vision assez partielle de ce qui s'est passé. J'ai vu, pour ma part quelques projets trop ambitieux qui se sont faits, et qui n'ont jamais aboutis.

- Depuis, tu as attaqué quelques monstres du ciné français (RRRRrrr ! Immortel). Nous nous interesserons plus particulièrement à "Immortel (Ad Vitam)" d'Enki Bilal. Globalement, qu'as tu pensé du film ?

Eh bien, malgré des lacunes techniques, je trouve qu'il dégage une certaine poésie. J'ai eu plaisir à le revoir lors de sa sortie en Dvd.

- En quelle mesure es tu intervenu sur le design des personnages ? Quels sont les personnages que tu as modélisés ? Pouvais tu prendre certaines libertés de design, alors que le réalisateur est un designer de talent lui-même ??

En tant qu’infographiste, je n'intervenais pas dans le design des personnages, que je tenais à respecter le plus fidèlement possible. Par moment, il fallait ca et la rajouter des détails qui n'étaient pas sur le design original, et qui étaient justifiés par le passage de la 2d à la 3d. Evidemment, tout cela était validé ensuite par Enki qui passait régulièrement parmi l'équipe qui travaillait sur Immortel.
J'ai travaillé sur Horus, qui est le personnage le plus visible du film, mais également sur d'autres comme Jonas, sur des mutants et d'autres personnages secondaires.




Horus d'Hierakanopolis dans Immortel (Ad Vitam) d'Enki Bilal

- En général, les critiques ont reprochés au film une certaine froideur, due au fait que la plupart des acteurs sont en réalité des personnages de synthèses. Les mêmes reproches furent fait au premier et unique film de Squaresoft, Final Fantasy. Penses tu que la technologie actuelle permette réélement de remplacer un acteur ? Penses tu que le choix de Bilal était judicieux ?

L’image de synthèse connaît une progression constante, au fil des ans, et il est ‘possible’ désormais de recréer des créatures ou des acteurs virtuels. Il suffit pour s’en convaincre de voir le travail réalisé sur Hulk, sur le Mr Hyde de Van Helsing, sans parler de l’incroyable performance de Gollum... Il ne faut pas oublier que pour l’instant, rares sont les sociétés qui ont les compétences, et surtout le temps et le budget nécessaire pour réaliser de telles performances.
Retrouver toute la subtilité d’une émotion humaine, d’un jeu d’acteur dans un personnage virtuel demande énormément de travail, et je ne sais pas si recréer un être humain photoréaliste pour le faire jouer comme un véritable acteur, apportera pour l’instant quelque chose en plus. Faire jouer de véritables acteurs dans Immortel a pu apporter une indéniable humanité à ce film.
Je préfère encore voir l’image de synthèse comme un apport aux effets spéciaux d’un film, afin de remplacer un cascadeur par un acteur en 3d dans des scènes d’action impossibles ou trop dangereuses, ou pour créer des monstres, des créatures fantastiques. Tout cela évoluera forcément, et même sans doutes très rapidement, la technologie aidant. C’est un challenge en quelque sorte, et comme tout challenge, il ne demande qu’à être relevé.

- Donner vie à un personnage créé par l'un des plus grands noms de la bande dessinée française, qui plus est un dieu de la mythologie égyptienne, Personnage quasi principal d'une des premières réalisations du type au monde dans un grand film de SF français... ouf ! Qu'est-ce qu'un infographiste peux demander de plus ???

Continuer à travailler sur d'autres projets de ce genre, tout simplement, dans lesquels il est possible de faire un travail de qualité.

- Dans tes projets futurs existent le mystérieux "Renaissance", développé dans le secret par Attitude Studio. Peux tu nous parler de ce projet et de ta participation ?

Je ne peux évidemment pas énormément en parler. J’ai travaillé sur la modélisation en 3d de quelques personnages de ce film.


Une des participations de François Rimasson à RRRRRR!! d'Alain Chabat

- De la publicité aux longs métrages, en passant par la photo et les jeux vidéos. As tu un domaine de prédilection ? Ta manière de travailler/procéder dans tous ces projets est-elle la même ?

Pour moi, travailler sur des illustrations, créer des personnages en 3d ou faire de la photo sont des façons à la fois différentes d’exprimer une certaine vision artistique des choses. Quelque soit le médium, j'essaye de créer le meilleur personnage, la plus belle image possible. Evidemment, a coté de tout ca, il y a parfois des aspects plus techniques, répétitifs, rébarbatifs.

- As tu d'autres projets en cours ou futurs ? (Ciné, JV, etc.)

A l’heure actuelle, non, je n’ai pas de planning précis pour les prochains mois. Ma participation à des projets se fait généralement très rapidement, entre le moment où on me les propose et le moment ou je commence à travailler dessus.


François a modélisé le personnage de Spawn pour les cinématiques de Spawn Armageddon le jeu


Exceptionnel travail sur les visages des CG de Terminator 3, le jeu

- De ces cinq dernières années, quel a été ton film préféré ?

Je choisirai... Le voyage de Chihiro, qui a véritablement réussi à faire voyager, à me faire rêver, à me donner envie de vivre ce film.

- Maintenant la question que nous posons à chacune de nos interviews, Si l'on te paie ce que tu veux pour réaliser le film de tes rêves avec le plus grand budget possible. Lequel serait-il ?

Je ne me vois pas réaliser un film. Je profère de loin participer en tant qu’artiste, travailler sur l’aspect visuel d’un projet. Mais si j’avais à choisir un genre, ce serait certainement un film dans lequel les acteurs et l’histoire on la part belle, sans forcément faire un film intimiste.

- Et que penses-tu de Cinegenre ?

Le site est intéressant, foisonnant meme.

- Merci énormément François d'avoir pris le temps de répondre à nos questions ! On te souhaite encore plein d'experiences dans le cinéma fantastique, bon courage pour la suite !!!!

Cliquez sur les illustrations de cet article pour acceder au site officiel de François Rimasson.



Travail sur le jeu vidéo culte : Dark Earth



Auteur de l'interview : NANO